Fitness, course à pied : en sport, l’individualisme et la quête de performance ont pris le pas sur le partage et l’activité ludique. Quelles en sont les causes ? Comment inverser la tendance pour retrouver les vrais valeurs de l’activité physique : le jeu, le bien-être et la coopération ?

Moins de plaisir, plus de résultats

Courir en ville en solitaire dans des rues polluées et bétonnées. Soulever une haltère entre quatre murs et payer un abonnement onéreux. A priori, ces activités physiques ne semblent pas très amusantes ou attractives. Pourtant, les pratiquants sont toujours plus nombreux. La course à pied a la vent en poupe et les clubs de fitness prolifèrent. Ces sports à la mode sont représentatifs de l’évolution de notre société, devenue individualiste et narcissique. On priorise désormais la performance : des objectifs personnels à accomplir, des résultats à produire, de la réussite à obtenir et des louanges à recevoir. 

Selon un sondage Harris Interactive effectué fin 2017, 15% des Français indiquent pratiquer la course à pied mais seulement 2% considèrent qu’il s’agit de leur sport préféré. Pour le fitness, 20% vont en salle (deuxième sport le plus pratiqué en France) mais seulement 5% des personnes interrogées indiquent préférer ce sport. Le plaisir ne va plus forcément de pair avec la pratique.

On assiste ainsi à un changement des priorités : le côté ludique est désormais moins plébiscité. Les sportifs souhaitent avant tout avoir un beau corps et montrer aux autres leurs belles performances en partageant leurs résultats via les apps et réseaux sociaux. On pratique souvent le même sport d’une manière routinière. Surtout, on pratique une activité dont on n’est pas particulièrement fan.

« Le sport n’est plus seulement un jeu, une occupation ou l’occasion de rencontrer des amis, il rejoint les aspirations à la perfectibilité, à l’amélioration de soi, à la quête d’individualité des individualistes. Il devient une activité d’abord tournée vers l’individu lui-même. L’essor des marathons (à Paris ils étaient 130 à prendre le départ en 1975, ils sont 40 000 en 2015), des salles de musculation, des coaches sportifs illustrent cette évolution. »

B. Dufay

Source : blog de B. Dufay « Individualisme et sport »

La compétition et l’individu plutôt que la coopération

On l’a vu, les sports individuels se développent et rencontrent de plus en plus de succès. Mais qu’en est-il des sports collectifs ? Malgré leur aspect « collectif » justement, ils véhiculent finalement les mêmes valeurs d’individualisme et de compétition.

« Le sport collectif défendrait l’idée du « faire ensemble ». Foutaise ! Le collectif se conçoit uniquement comme la somme d’intérêts individuels. Chacun-e cherche à s’extirper du groupe pour devenir le sportif ou la sportive de l’année comme on est l’employé-e du mois. Tous les sports collectifs décernent des récompenses individuelles. »

« Divertir pour dominer », Offensive, 2010.

Cela se vérifie dans le milieu professionnel mais aussi dès le plus jeune âge. Les enfants sont conditionnés à une pratique du sport qui ne leur correspond pas.

« Les enfants se font engueuler par leurs entraîneurs. Ils n’ont pas respecté les consignes ! Portés vers le plaisir, le jeu, ils sont dressés à l’efficacité, au résultat, à la rationalisation des gestes. Gagner est le maître mot. D’ailleurs, être un gagnant, est-ce une expression du sport ou de l’entreprise ? »

« Divertir pour dominer », Offensive, 2010.

La rationalisation a souvent comme conséquence la pratique d’un seul sport, à forte dose, de manière intensive pour espérer le meilleur résultat possible. Heureusement, des méthodes alternatives commencent à émerger.

Dans le même livre « Divertir pour dominer », Laurent, un professeur d’éducation physique, détaille sa pratique en l’opposant au sport de compétition. « L’intérêt n’est pas de développer son corps en fonction d’une seule activité (spécialisation), mais au contraire d’envisager toutes ses potentialités. Place à l’imaginaire ! J’enseigne la relaxation, la danse et les « jeux traditionnels » […]. La démarche consiste à sentir le plaisir ludique, à prendre conscience des différences avec le sport de compétition quant à la socialisation : refus des éliminations ; le fait de regarder l’autre comme un ami et non un ennemi. »

Augmentation des comportements addictifs

Le sport est également l’occasion de calmer ses angoisses. Pour cela, on aime profiter des bouffées d’endorphines et de dopamine que procurent particulièrement la course à pied, plus que tout autre sport. Ces hormones rendent euphoriques mais également accros. L’augmentation de l’addiction des sportifs peut conduire à la bigorexie, cette dépendance excessive d’un être humain au sport pour développer sa masse musculaire. Le sport prend ainsi le contrôle sur son quotidien, et cela affecte son but premier : se soigner, se faire du bien, améliorer sa santé et son bien-être.

“Le sport contribue à stimuler la production de dopamine, l’hormone du plaisir et de la vigilance, qui diminue la sensation de fatigue. La dopamine est responsable de l’effet « addictif » de la course à pied dont on entend souvent parler !”

Dr Sébastien Le Garrec, médecin du sport à l’INSEP

Source : smilesrun.fr

Alors comment sortir de ces habitudes néfastes pour notre santé mentale et notre entourage ? Comment retrouver un rythme plus naturel accès sur le ludisme et le partage, avec moins d’égocentrisme ?

Les 5 conseils :

  1. ne plus calculer, mesurer, enregistrer ou partager ses performances, symbole de notre narcissisme grandissant. Que ce soit avec un smartphone ou une montre connectée, nous avons de plus en plus l’habitude d’enregistrer et de vérifier sans cesse l’évolution de nos performances. Puis nous postons avec fierté nos résultats sur les réseaux sociaux. Libérez-vous du smartphone et profitez à fond de votre séance de sport. 
  2. faire du sport en groupe et le faire simplement pour le plaisir de bouger et d’être avec des gens : on se sent mieux quand on fait du sport à plusieurs, qu’on partage, qu’on rit, qu’on se défie. Et quand il n’ y a pas de nécessité absolue de réussir au bout. 
  3. varier les sports : trouver plusieurs sports ludiques à pratiquer, varier les plaisirs pour ne jamais vous lasser, et diversifier pour le bien de votre corps et de votre santé. Cela permet de stimuler tous les muscles du corps et de soulager des articulations trop souvent mises à l’épreuve quand on pratique un seul type de sport.
  4. Faire le sport qu’on aime, pas celui qui est le plus efficace pour avoir un beau corps et avoir les félicitations du jury.
  5. profiter des installations publiques et de la nature. Vous aimez vraiment la course à pied ou le fitness ? Pas de problème mais dans ce cas, sortez dans la nature, cheminez à travers les parcours vita, les installations publiques. Allez courir avec en toile de fond un paysage agréable à contempler et à savourer (parc, bord de lac, forêt).  Et trouver de préférence un lieu avec un sol souple, vos genoux vous en remercieront.

En suivant ces conseils, on gardera un corps sain, sportif, équilibré et on s’affranchira de possibles addictions à la performance ou au narcissisme. 

Et l’esprit de compétition dans tout ça ? Doit-on aussi le bannir ? Comme dans tous sports, il est tout à fait normal de préférer la victoire. C’est humain, qu’on soit enfant ou adulte. Nous avons le droit à notre petite dose d’égo mais il est important qu’elle reste à quantité mesurée et contrôlée.

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