Quand le terme « Décroissance » est employé, il l’est principalement dans le domaine économique, par opposition à la croissance de la production de biens et de services. Il est en revanche plus sensible de l’utiliser quand on se penche sur la notion de décroissance démographique. La polémique déclenchée par le tweet de l’AFP fait ressurgir ce débat.
Avoir un enfant en moins aurait donc beaucoup plus d’impact que d’abandonner la voiture à essence selon ce tweet. L’AFP se contente en fait de relayer une étude très sérieuse réalisée par Environmental Research Letter en 2017, validée par de nombreux scientifiques. Son résultat est logique car il est difficile de comparer un enfant à une action comme « abandonner la voiture à essence ». En effet, avoir un enfant implique le fait qu’il polluera à son tour, que ses petit-enfants pollueront à son tour, que tous ces gens-là pourraient acheter une voiture à essence, faire de longs voyages en avion, etc. Dès lors, le graphique n’est pas surprenant puisque les éléments s’additionnent.
Cé débat présente tout de même d’autres intérêts et permet de se poser la question : où en est-on concernant la croissance démographique, quels sont ses effets sur la pollution et son ralentissement pourrait-il avoir un impact ?
La population mondiale était de 7,63 milliards d’habitants en janvier 2018.
Forte natalité dans les pays pauvres
La priorité est de réduire le train de vie des plus riches, pas la natalité des plus pauvres.
Gaël Giraud, économiste
La natalité en Afrique est la plus forte parmi tous les continents, alors qu’il est également le territoire le plus pauvre. On y comptera 39% de la population mondiale en 2050 contre 16% en 2015. On se souvient d’ailleurs de la polémique lors du G20 en juillet 2017. Emmanuel Macron, président de la République Française, avait alors insisté sur les « 7 à 8 enfants par femme » ne permettant pas de stabiliser la situation en Afrique (plus exactement il y a environ 4,7 enfants par femme en moyenne en Afrique).
Comme le président français, les pays développés ont souvent tendance à pointer du doigt cette natalité particulièrement élevée, arguant que cette énorme croissance démographique va poser des problèmes environnementales. Nous sommes en fait dans un cycle absurde où ceux qui ont le plus de descendance sont ceux qui vont le plus souffrir des conséquences du réchauffement climatique, alors qu’ils ont la plus faible emprunte carbone. Comment peut-on donc accuser cette forte natalité, alors que l’urgence est de réduire la croissance économique effrénée des pays développés, principale responsable de la dégradation de notre planète ?
En tous les cas, décider de ne plus enfanter est la dernière des solutions à envisager pour diminuer notre emprunte carbone. Il y a d’autres critères bien plus importants : le ralentissement de la croissance des pays développés, la prise de conscience de leurs habitants concernant leur habitude de consommation, l’information à la population. Ainsi, si l’évolution démographique augmente mais que chacun baisse à son échelle son emprunte carbone, les résultats seront forcément considérables pour le bien de notre planète.
Cas concret : la voiture électrique et la démographie
Prenons le cas de la voiture électrique. En dehors des nombreuses polémiques concernant l’utilisation des métaux rares dans les batteries, une étude de l’ADEME datant de fin 2017 tendrait à confirmer que l’emprunte carbone d’un véhicule électrique est moins élevée que pour une voiture à énergie thermique. Si toute la population mondiale passait à la voiture électrique, nous aurions donc une énergie moins polluante pour la planète.
Mais comme la croissance démographique continuerait à croître et que plus de voitures seraient vendues du fait de cette croissance, de leur prix, praticité et emprunte écologique, nous polluerions toujours autant voire davantage avec une énergie pourtant moins néfaste que le pétrole. D’une logique implacable non ? Alors est-ce la faute de la croissance démographique ?
On constate que c’est en fait notre comportement de consommateur et notre croissance économique qui sont à remettre en cause. Oui, la voiture électrique est une meilleure solution que la voiture thermique. Non, elle ne doit pas inciter les gens à en acheter plus, à en utiliser plus. La voiture reste un bien dont une bonne part de la population pourrait se passer et dont l’utilisation doit être réduite, remplacée par les transports en commun et les modes de déplacement doux. Il est donc plus urgent de changer notre train de vie plutôt que d’accuser une quelconque croissance démographique.

