Si on m’avait dit que je deviendrai fan d’un livre spirituel écrit par un prêtre jésuite indien, je ne l’aurais pas cru. Et pourtant… Avec « Quand la conscience s’éveille » (paru en 2002), Anthony de Mello nous propose un livre qui réveille, qui interroge sur nos comportements et qui explique pourquoi les gens ont l’air aussi malheureux. Ils donnent des pistes pour nous libérer de nos croyances, pour arrêter de donner des étiquettes, pour se développer, pour se libérer et pour amorcer un véritable changement intérieur. Il nous donne les moyens de nous retrouver, de nous remettre sur le droit chemin et de vivre un détachement véritable.
Je pensais qu’il me serait difficile d’accrocher aux arguments de ce livre car il y est aussi question de religion, de Jésus, de christianisme. Mais paradoxalement, tout en n’étant pas croyant, Anthony de Mello m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses et a totalement remis en question certaines de mes pensées… et de me croyances.
Il propose une philosophie de vie qui semble très efficace pour nous guérir des problèmes de nos sociétés modernes trop axées sur la consommation, l’aliénation, le succès, le profit, la compétition, la rumination. Il considère que nous sommes tous endormis par un poison qui a pénétré nos cerveaux mais qu’il suffit simplement de se réveiller pour retrouver un bonheur perdu. Nous devons cesser d’avoir peur. Il nous propose aussi de retrouver nos sens, de profiter de l’instant présent.
« Pensez à ces gens qui consacrent beaucoup de temps à préparer leurs vacances. Ils ont passé des mois à les organiser, et lorsqu’ils arrivent sur les lieux, ils paniquent à propos des réservations pour leurs billets de retour. Mais ils font quand même des photos, qu’ils aligneront dans un album et qu’ils vous montreront un jour, des photos d’endroits qu’ils n’ont pas vus, d’endroits qu’ils se sont contentés de photographier ».
Anthony de Mello. Extrait du livre « Quand la conscience s’éveille »
Ne plus être dépendant des autres
L’auteur nous exhorte également à ne plus être dépendant des autres, ne plus vivre sur leurs croyances (famille, amis) et de ne pas considérer des choses importantes juste parce que quelqu’un d’autre l’a décrété. Nous devons arrêter de vouloir l’approbation des autres pour nous sentir bien tout comme nous ne devons plus nous sentir mal à l’aise face aux critiques. Il est temps d’arrêter de désirer ce qu’on n’a pas ou d’avoir peur de perdre ce qu’on a. Cela détraque notre cerveau.
« Le plaisir des sens et le plaisir de l’esprit dépendent d’une saine nourriture. Un bon livre, ou une bonne discussion, ou des pensées enrichissantes. C’est miraculeux. Malheureusement, les gens sont devenus fous ; ils sont de plus en plus dépendants car ils ne savent plus comment profiter des bonnes choses de la vie. Alors ils cherchent des stimulants artificiels de plus en plus forts. […]
Un grand nombre de gens gagnent le monde et perdent leur âme. Un grand nombre de gens sont vides, sans âme, car ils se nourrissent de popularité, de louanges, de félicitations de « Je suis OK, tu es OK », de « regarde-moi », de « assiste-moi », de « soutiens-moi », de ‘mets-moi en valeur », de « je suis le chef », de « je suis au pouvoir », de « j’ai gagné la course ». C’est de cela que vous vous nourrissez ? Si c’est oui, vous êtes mort. Vous avez perdu votre âme. Nourrissez-vous d’une substance plus nutritive. Alors vous vous transformerez. »
Anthony de Mello. Extrait du livre « Quand la conscience s’éveille »
Le bonheur est un état naturel
Ensuite, il est question de la fameuse quête du bonheur. Pour Anthony de Mello, c’est simple, on ne peut pas chercher le bonheur pour la bonne et simple raison qu’il est déjà là, qu’il est naturel. Enfant, nous sommes heureux. Mais nous sommes ensuite contaminés par la société et les croyances.
Pour remédier à cela, nous devons simplement laisser tomber nos illusions, enlever le flou qui est devant nos yeux pour mieux voir et en profiter. L’ambition, la cupidité, les désirs insatiables nous empêchent d’accéder au bonheur car nous nous identifions alors à une série d’étiquettes complétement erronées.
Amusez-vous au lieu d’être ambitieux !
On a également tendance, dans nos vies modernes et occidentales, à privilégier la compétition et l’ennui à la coopération et l’amusement. Pour illustrer ce comportement absurde, appréciez donc cet exemple parfait développé par l’auteur :
« Des gens avaient coutume de se rassembler, dans une petite ville des Etats-Unis, pour faire de la musique. Il y avait parmi eux un saxophoniste, un batteur, un violoniste. Ils étaient tous assez âgés. Ce n’était pas de grands musiciens, mais ils aimaient se rassembler ainsi pour l’amour de la musique et pour le plaisir d’être ensemble. Ils étaient content et s’amusaient énormément. Jusqu’au jour où ils décidèrent d’engager un chef d’orchestre aussi ambitieux que dynamique. Celui-ci leur dit : « Les gars, nous allons donner un concert. Nous allons nous préparer pour donner un concert en ville ».
Puis il se débarrassa petit à petit des musiciens qui ne jouaient pas très bien, engagea des musiciens professionnels, monta un orchestre et fit en sorte qu’en en parle dans les journaux. N’était-ce pas extraordinaire ? Puis l’orchestre décida de s’installer dans une grande ville. Mais quelques vieux musiciens, les larmes aux yeux, disaient : « C’était si merveilleux avant, lorsqu’on jouait mal et qu’on s’amusait ». La cruauté était entrée dans leur existence, mais aucun d’eux ne l’avait reconnue comme telle. Vous voyez comme la folie peut s’emparer des gens ? »
Anthony de Mello. Extrait du livre « Quand la conscience s’éveille »
Réussir sa vie ? Ce n’est pas ce qu’on croit
Enfin, nous vivons dans une société qui nous vante le succès, la carrière, la réussite. Les familles se gargarisent de montrer aux autres comme leurs enfants ont réussi et ont gravi les échelons. On veut dominer les autres, être leurs chefs, diriger. Pourtant, nous faisons totalement fausse route : cela ne nous rend pas heureux.
« Qui peut déterminer en quoi consiste le succès ? La société stupide dans laquelle nous vivons ! La préoccupation majeure de cette société est que ceux qui la composent continuent à être malades ! Plus vite vous comprenez cela, mieux vous vous porterez. Les gens sont malades. Ils ont perdu la tête, ils sont fous. Vous devenez président d’un asile d’aliénés et vous en êtes fier, et pourtant cela ne veut rien dire. Devenir président d’un organisme n’a rien à voir avec une vie réussie. Ëtre riche n’a rien à voir avec une vie réussie.
Réussir sa vie, c’est se réveiller. Vous n’avez à vous excuser auprès de personne, vous n’avez aucune explication à donner à ceux qui vous entourent, vous vous fichez royalement de ce que les autres pensent de vous ou disent de vous. Vous n’avez aucun souci. Vous êtes heureux. C’est ce que j’appelle réussir sa vie. Occuper une position prestigieuse ou être célèbre n’a rien à voir avec le bonheur ou une vie réussie. Rien ! Aucun rapport. En fait, certaines personnes ne se préoccupent que de l’opinion de leurs enfants, de leur conjoint et de leurs voisins. Elles se disent qu’elles auraient dû devenir célèbres. Notre société et notre culture nous enfoncent ça dans la tête ; jour et nuit, elles ne cessent de nous vanter les gens qui ont réussi. Réussi quoi ? Réussi à faire d’eux-mêmes des ânes ! »