« Le Philosophe qui n’était pas sage », sorti en 2012 et écrit par Laurent Gounelle, est à la fois un roman et une critique des modes de vie des sociétés modernes occidentales, basés sur l’individualisme et le consumérisme. L’histoire est au final un prétexte à l’auteur pour mettre en avant ses thèses sur le développement personnel, le bien-être et l’instant présent.
Grâce à un raisonnement par l’absurde savamment mené et un grande nombre d’allusions à peine masquées, il met en exergue les méfaits de certains de nos comportements liés à l’argent, la surconsommation, le divertissement, l’égoïsme, la compétition ou encore le désir. Il démontre à quel point cela peut mener à l’anxiété, le stress, la dévalorisation de soi ou la dépression.
Le résumé du livre
On entre dans l’histoire de cette tribu amazonienne, très heureuse, humaine et spirituelle malgré une vie simple et peu de confort ou de biens matériels. Face à elle, un homme américain, Sandro, venant se venger de la mort de sa femme en zone amazonienne, persuadée que la tribu est responsable de sa disparition lors de sa récente visite dans la région. Plutôt que de se venger frontalement, physiquement, immédiatement et violemment, il veut rendre malheureux les habitants de cette tribu, les rendre malades comme peuvent l’être les habitants des sociétés modernes.
Pour cela, certaines recettes lui semblent efficaces : instiller jalousie, désir, envie, avarice, peur, problèmes, mauvaises nouvelles, bref tous les méfaits des comportements individualistes et consuméristes de la société américaine. Pour cela, il est aidé par des mercenaires travaillant dans la région. D’abord ravie, la tribu va être bouleversée par ces changements et va peu à peu tomber « malade », infectée par le « poison » qu’on leur a insidieusement fait inhaler. Ils vont perdre leur joie de vivre, vont commencer à se défier, se comparer, s’envier et devenir malheureux.
« On a ébranlé leur confiance dans le monde en les abreuvant de mauvaises nouvelles. On a sapé leur confiance en eux-mêmes en les identifiant à leurs actions, leurs résultats, en les comparant entre eux. Ils n’aiment plus leur propre corps. Ils n’ont plus de lien avec la nature, plus de dieu, plus de vrais liens entre eux. Ils ont peur des autres. Ils ont perdu le bonheur de l’instant présent pour ressasser le passé et se perdre dans le futur… »
Sandro, le personnage s’exprimant sur son projet de rendre la tribu amazonienne malheureuse.
Plus qu’un roman, une remis en question de notre mode de vie
A travers ce roman, Laurent Gounelle distille des métaphores incisives et efficaces pour décrire comment est devenue la société occidentale capitaliste. Il montre comment nous nous sommes éloignés de nos valeurs essentielles (nature, spiritualité, bonheur) et comment nous sommes devenus malades à force de mettre en avant l’individu, le profit et la surconsommation de produits.
« Non seulement il avait amené les Indiens à croire que le matériel pouvait remplir leur vide existentiel, mais en plus il s’arrangeait pour qu’ils n’aient pas accès à tout ce qu’ils se mettaient ainsi à désirer. Il créait les besoins imaginaires toujours plus nombreux, suscitait constamment en eux de nouveaux désirs inaccessibles afin de les mettre en état de manque permanent. Au final, il réussissait à les frustrer terriblement de… ce dont ils n’avaient en fait pas besoin. »
Le narrateur, à propos de Sandro, le personnage venu venger sa femme.
Laurent Gounelle critique également la promotion du corps parfait, de la jeunesse, de la superficialité, de l’apparence qui a pris le pas sur l’expérience, la sérénite, l’amour ou la sagesse.
« Il ne faisait plus bon être vieux dans le village. Les seins gonflés et les muscles galbés étaient désormais plus convoités que la grandeur d’âme. Le désir, omniprésent, avait supplanté l’amour. Le dynamisme était plus valorisé que la sérénité. Quant à la sagesse, apanage du grand âge, elle n’inspirait plus personne et il ne serait plus venu à l’esprit d’un jeune de venir s’enrichir de l’expérience des aînés. »
Le narrateur, à propos de la situation nouvelle vécue par la tribu amazonienne.
Enfin, l’auteur montre également comment nous sommes devenus passifs face aux informations provenant de l’extérieur. On peut citer par exemple les journaux d’information, pourvoyeurs de mauvaises nouvelles ou les publicités, suscitant le désir et l’envie. La tribu amazonienne commence à déprimer face à ces éléments et cela provoque un dommage collatéral : ils se sentent mal, et on leur propose alors un médicament.
C’est là une belle métaphore et tout le paradoxe de la société moderne dans laquelle nous vivons : on rend les gens malades, moralement (dépression) ou physiquement (pollution du corps), et on leur propose ensuite des médicaments pour guérir tous ces maux, provoquant d’autres maux (addiction ou effets secondaires).
« On les a coupés de leur corps, du ressenti de leurs vrais besoins, de leurs envies profondes. Maintenant, tout leur vient de l’extérieur, on les bombarde d’informations, d’émotions, de désirs… si ça se trouve, comme ils n’ont plus confiance en eux, ils n’arrivent plus à rassembler leurs forces à l’intérieur d’eux-mêmes et ils s’en remettent à l’extérieur, donc à des médocs… »
Sandro, le personnage venu venger sa femme.